21 avril 2021
– 15 minutes de lecture
Zied Ben Khalifa
Consultant Transformation Data
Les entreprises de tout secteur industriel cherchent à maîtriser et améliorer les processus de gestion des données de leurs produits. Ce sujet comporte de nombreux défis car les produits n’arrêtent pas d’évoluer pour satisfaire les besoins des clients d’une part et pour être conformes aux exigences réglementaires et normatives d’autre part.
Si l’on veut exploiter les données de ses produits, il s’agit là d’une difficulté supplémentaire qui ne peut être surmontée à l’aide d’un simple référentiel de données générique (un outil de Master Data Management par exemple).
Mais avant d’en arriver là, tachons déjà de définir ce qu’est un référentiel Produit et de faire un tour d’horizon des solutions existantes sur le marché. Nous verrons ensuite ce qui fait la différence dans un référentiel produit.
Référentiel de données produit
Qu’est-ce qu’un référentiel produit ?
Le référentiel Produit constitue la base de données centrale dans laquelle est intégrée, stockée et liée toute l’information liée aux produits vendus par l’entreprise. Il est nourri à chaque étape du cycle de vie du produit par les différentes équipes qui travaillent dessus et permet de diffuser simplement une information qui a été qualifiée, unifiée et normée. Chaque intervenant peut ainsi travailler sur une base commune d’informations Produit fiable et complète.
Prenons l’exemple d’une enseigne de bricolage, elle propose à ses clients un catalogue de produits variés avec une grande différence entre eux (Boulon, Vis, Marteau, Clé à molette, Perceuse sans fil ou avec fil, Compresseur d’air, etc.). Dans son référentiel, chaque produit a sa propre nomenclature de composants qui peut être basique pour des produits comme les marteaux ou les clés à molette ou complexe comme dans le cas d’un compresseur d’air ou d’une perceuse et chaque composant de la nomenclature a ses propres caractéristiques. Grâce à son référentiel Produit, l’entreprise peut aussi gérer les multiples variantes associées à une perceuse par exemple (Perceuse rouge sans fil, Perceuse noire avec fil 2m, Perceuse jaune avec fil 4m, etc.). L’enseigne peut ainsi gérer les informations liées aux différentes étapes du cycle de vie de ses produits depuis leur conception jusqu’à leur retrait du marché.
L’importance d’un référentiel produit
Lorsqu’une entreprise possède un portefeuille produits étendu et/ou en constante évolution, la quantité de données liées aux produits ne cesse d’augmenter elle aussi. Il devient essentiel de les centraliser, les normer et finalement de les gérer plus simplement pour gagner en efficacité et en fiabilité.
Le référentiel Produit permet de réaliser cet objectif en concentrant dans un outil flexible et transversal toutes les données associées. Il permet de les unifier afin d’assurer leur cohérence et de les lier entre elles pour créer un maillage produit pertinent pour l’utilisateur et un produit fini de qualité et à temps pour le client final.
Exemple et types de référentiels produit
PIM : Abréviation anglaise de Product Information Management. Il permet de centraliser, d’organiser et de gérer les données produit. Le PIM est une sorte de catalogue des produits de l’entreprise et il est très orienté pour des utilisations marketing. En effet, il centralise les données destinées à être diffusées aux prospects / clients telles que les données marketing, les données commerciales, les données techniques.
PLM : Abréviation anglaise de Product Lifecycle Management. Il permet, comme son nom l’indique, de gérer le cycle de vie du produit depuis sa conception, jusqu’à sa fin de vie (fabrication, gestion des stocks, logistique et transport, vente, éventuellement recyclage). Il centralise ainsi toutes les données liées au produit, et permet ainsi de gérer d’une manière plus transversale les données du produit.
Qu’est-ce qui différencie un référentiel produit d’un référentiel générique de données ?
Avec la capacité croissante d’enregistrement des données industrielles, plein de nouveaux concepts caractérisant la gestion des données produit ont vu le jour chez les entreprises. Contrairement aux référentiels génériques, les référentiels Produit ont été conçus pour maîtriser ces concepts et répondre aux enjeux des entreprises en proposant des fonctionnalités et des outils, spécialement, dédiés à la gestion des données Produit.
1. La gestion des cycles de vie des produits :
Les cycles de vie diffèrent d’un produit à un autre. Chacun possède un cycle de vie qui caractérise son développement, sa production, sa commercialisation et sa fin de vie (Exemple ci-dessous)
Dans un référentiel de données Produit la notion de cycle de vie pour un produit fini est liée à la notion de la chaîne de valeur industrielle. Cette dernière permet de supporter les différentes phases de vie d’un produit depuis l’idéation jusqu’à son recyclage ou son retrait du marché.
Le référentiel Produit permet de gérer ces phases sous mode projet avec des jalons et des livrables précis associés à chaque phase.
Quant aux composants de la nomenclature du produit final, ils ont un cycle de vie qui leurs est associé et qui, à l’aide des boucles ou workflows de validation, permet le passage d’une version N à une version N-1 en cas de modifications appliquées à quelques éléments de la nomenclature comme le montre l’illustration basique ci-dessous. Il faut savoir que les cycles de vie des composants peuvent avoir plus de complexité en fonction du secteur d’activités de l’entreprise (Défense, Aérospatial, etc.) ou de l’utilisation finale du produit (Nucléaire, Sous-marin, etc.)
- Exemple de cycle de vie d’un composant de nomenclature :
- Exemple de cycle de vie d’un produit :
2. La favorisation du co-développement interne et externe :
Le co-développement interne est la collaboration entre les acteurs métiers impliqués dans le développement d’un nouveau produit.
Le co-développement externe est la collaboration d’une entreprise avec ses clients et fournisseurs pour développer de nouveaux produits et services. C’est un vecteur d’innovation et de performance dans un modèle gagnant pour les trois acteurs.
Un référentiel Produit permet de supporter le co-développement interne en mettant à disposition des outils de collaboration entre tous les métiers autour de la nomenclature du produit avec une vue dédiée pour chaque métier. Par exemple, le bureau d’étude veut voir le matériau, les dimensions et les contraintes mécaniques liés au produit alors que les bureaux des achats et des ventes veulent voir les coûts de production, de montage et de maintenance, etc. Le référentiel Produit permet d’avoir une appropriation du contenu et du discours de chaque produit et la création d’un vocabulaire commun. Les entreprises peuvent ainsi avoir des propositions de valeur concrètes répondant aux besoins évolutifs des clients.
Le référentiel Produit permet aussi de favoriser le co-développement externe entre une entreprise, ses clients et ses sous-traitants en donnant la possibilité de partager en toute sécurité les informations qu’elle souhaite avec ces acteurs via une plateforme dédiée. Cela permet d’avoir un gain considérable dans le temps de mise sur le marché des produits car la plateforme permet aux entreprises d’avoir des boucles d’itérations et d’échange avec ses clients et ses fournisseurs lors de la phase du développement du produit et non pas à sa fin comme le montre l’illustration ci-dessous.
Grâce au co-développement les entreprises peuvent minimiser le temps de mise sur le marché des produits et donc réduire leur coût de développement.
3. La gestion des options/variantes et des bom 150% (bill of materials)
La BOM 150 % ou la nomenclature à 150 % n’est qu’un autre nom pour une structure à variantes, ou plus précisément, une nomenclature configurable. Les nomenclatures configurables comportent un ou plusieurs composants optionnels et/ou sous-ensembles modulaires qui, lorsqu’ils sont correctement configurés, définissent une variation spécifique d’un produit. En fait, une nomenclature configurable est constituée de plusieurs nomenclatures possibles chargées dans une seule structure de produit. Lorsqu’elle n’est pas configurée, la nomenclature contient plus de pièces et de sous-ensembles que nécessaire, c’est-à-dire plus de 100 %. D’où l’expression « nomenclature à 150 % ». Cette approche est un moyen pour les ingénieurs de gérer la complexité de la structure et de la variation des produits.
La différence entre les options et les variantes dans un produit est que l’option est un système qui s’ajoute sans impact sur l’architecture du produit et les autres variantes et options choisies (Exemple : Climatisation dans une voiture) alors qu’une variante est un choix obligatoire et exclusif parmi des sous-ensembles et peut impacter l’architecture produit et même la structure de gamme d’assemblage (Exemple : Voiture 3 portes ou 5 portes)
Le référentiel Produit a la capacité de supporter toute la complexité liée à la gestion des BOMs 150 % en gérant non seulement les nomenclatures configurables associées à chaque produit mais aussi les règles de compatibilité entre toutes les options et les variantes possibles.
La gestion des nomenclatures configurables dans les référentiels Produit permet aux entreprises la possibilité de réutiliser les données de définition d’un produit et éviter d’avoir des doublons avec plusieurs numéros d’article pour un même composant.
L’illustration ci-dessous montre un exemple de déclinaison d’une BOM 150 % d’un stylo en deux nomenclatures du même produit mais avec des options et des variantes différentes.
4. Le support des différents types de processus de vente et de production
L’un des atouts majeurs d’un référentiel Produit est le fait qu’il puisse gérer la définition du produit pour les différents processus de vente et de production. Ces derniers varient entre les entreprises et peuvent même coexister pour différents produits au sein de la même entreprise, ce qui ajoute une couche de complexité à la gestion des données de ces produits.
Il existe divers processus de vente et de production dans le marché, on peut en citer :
- Make To Stock : Lorsqu’un produit peut être vendu à partir d’un catalogue et qu’il est défini et spécifié par une fiche. La fabrication du produit peut être planifiée en se basant sur les prévisions.
- Make To Order : Cette stratégie s’applique toujours aux produits standard dont les spécifications sont clairement définies. Pour ce type de produit, il n’est pas possible d’établir des prévisions et les produits sont fabriqués sur commande.
- Configure To Order : C’est le processus le plus complexe du marché car le produit standard comporte un grand nombre de variantes. Il n’est donc pas possible de créer un numéro de produit pour chaque nomenclature à cause des nombreuses combinaisons possibles. Comme le montre l’illustration ci-dessous, la gestion des produits de ce type nécessite 3 briques essentielles que le référentiel Produit comporte :
- Architecture produit : C’est le squelette générique du produit.
- Familles de diversité : à chaque élément de l’architecture est attachée une famille de diversité donnant le champ des choix possibles pour chaque composant.
- Règles de configuration : Les règles de configuration sont un mélange de règles de compatibilité entre les éléments des familles de diversité et de règles de productions qui permettent de configurer une produit fini réalisable par l’entreprise. Elles doivent être définies dans le référentiel et elles sont exécutées lors de la configuration du produit final.
- Engineer To Order : C’est une approche de la production caractérisée par plusieurs activités d’ingénierie et soumis à un délai de livraison défini à la réception d’une commande du client accompagné d’un cahier de charge. (Exemple : Fabrication de câble pour un projet de construction d’un pont)
Avoir un outil capable de couvrir les différents processus, comme le référentiel Produit, permet aux entreprises d’optimiser et de centraliser la gestion des données de chaque produit. Par exemple, pour le processus CTO, le référentiel Produit aide les entreprises à éviter les retards de fabrication et les rejets des commandes en empêchant une mauvaise configuration du produit grâce aux règles de compatibilité entre les différents éléments. Chaque produit configuré dans un référentiel Produit est donc réalisable par l’entreprise.
5. La gestion de la conformité par rapport aux exigences
Les référentiels Produit permettent d’améliorer et d’optimiser la gestion de la conformité par rapport aux exigences. Il est possible de stocker, classifier et ordonner les métadonnées liées aux exigences (Client, Réglementaires, etc.) et cela permettra d’avoir une arborescence d’exigences (Requirements Breakdown Structure) qui est en lien direct avec la nomenclature du produit (BOM) comme le montre la figure ci-dessous. Chaque composant ou sous-ensemble est alors attaché aux exigences auxquelles il doit répondre et sa conformité est vérifiée en temps réel.
Cette méthode permet aux ingénieurs d’avoir une couverture totale des sous-ensembles et des exigences qui leurs sont associées. Le développement du produit devient ainsi plus efficace et sa commercialisation sera plus rapide.
6. La gestion des processus de modifications
Dans les référentiels Produit, les boucles de modification sont constituées d’une séquence d’événements comme le montre le logigramme ci-dessous. Les étapes principales de cette boucle sont :
- Rapport d’incident ou Problem Report (PR) : c’est un signalement de problème ou une source potentielle de panne dans le produit. Le PR peut déboucher sur une demande d’évolution technique (modification) du produit ou d’un processus.
- Demande de modification ou Engineering Change Request (ECR) : Un problème, si retenu, peut donner lieu à une ou plusieurs demandes de changement. Cette étape consiste à consolider les analyses sur les objets potentiellement concernés et impactés.
- Ordre de modification ou Engineering Change Order (ECO) : Si l’ECR est accepté, on passe à un ordre de changement pour valider la liste complète des objets impactés devant être modifiés.
Grâce aux référentiels Produit, les processus de modification sont automatisés en suivant une logique d’étapes qui garantit une efficacité et une rapidité dans la réalisation des changements sur un produit donné. L’outil permet de gérer les passages de versions majeures et mineures sur chaque composant de la nomenclature et peut même produire une matrice d’impact sur le reste de la structure du produit et proposer d’appliquer des modifications sur d’autres composants.
Conclusion
Depuis son arrivée, le Digital a eu un impact de plus en plus important sur le monde de la Data avec un besoin croissant de garantir la consistance des données sur l’ensemble des canaux. Grâce à lui, le rythme ne cesse pas d’accélérer et il demande encore plus de rigueur dans la gestion des données Produit. Cette dernière, en plus de sa particularité, est devenue plus challengeante pour les entreprises avec des clients de plus en plus exigeants, des contraintes réglementaires en évolution continue et dans un marché de plus en plus compétitif.
Contrairement aux référentiels génériques de données, les référentiels de données Produit permettent aux entreprises de surmonter ces défis en leurs offrant un panel étendu de fonctionnalités et en introduisant plusieurs concepts pour les aider à améliorer les processus de gestion des données produit et à maîtriser les étapes du cycle de vie.
Si vous avez des questions sur les référentiels produits ou souhaitez être accompagnés sur le sujet ? Contactez transfodata@rhapsodiesconseil.fr
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