data visualisation

La dataviz périodique by Rhapsodies Conseil

La dataviz périodique by Rhapsodies Conseil 

23 novembre 2023

Pierre Moneyron

Consultant Transformation Data

Camille Petit

Consultante Transformation Data

n°1 – Les biais de perception en dataviz 

La dataviz périodique est une publication qui a pour objectif de mettre en évidence les bonnes pratiques et les écueils à éviter en matière de data visualisation (aussi appelée dataviz). A chaque publication, nous vous proposons de décrypter un nouveau sujet et un exemple de dataviz pour comprendre les ficelles de la réussite en datavisualisation. 

Dans cette édition, nous aborderons le thème des biais de perception en dataviz et nous verrons comment les limiter en prenant exemple sur une publication du Monde : lien vers la dataviz.

Visuel extrait de l’article du Monde présenté en introduction (lien vers l’article)

Si vous souhaitez aborder un sujet complexe, comme celui du Monde qui s’attache à expliquer le positionnement des députés par rapport à la majorité de l’Assemblée nationale, il est nécessaire de porter une attention particulière au type de graphique utilisé. 

Une pratique courante est de proposer une vision moyennée d’un phénomène mesurable sur un groupe (e.g. individus, produits) séparé en catégories (e.g. taille, lieu) en utilisant un graphique en barre. Ce type de visuel a l’avantage de comparer les sujets simplement et de donner l’impression de pouvoir appréhender la réalité d’un coup d’œil. 

Or ce n’est qu’une impression. La plupart du temps, nous ne nous rendons pas compte du biais de perception qu’induisent les graphiques en barre en gommant les disparités présentes au sein de chaque catégorie (ou barre du graphique). 

Dans son article publié sur Data Visualisation Society, Eli Holder explique l’importance de réintroduire de la dispersion dans la dataviz afin de ne pas créer ou confirmer des stéréotypes. [1]

Le stéréotype est une tendance naturelle, souvent inconsciente, qui consiste à penser aux individus en termes d’appartenance à leur groupe social. C’est une façon pratique et utile de réduire la complexité du monde qui nous entoure. Par exemple, au moment de visiter une ville que nous ne connaissons pas, nous pouvons nous adresser à un officier de police ou à un chauffeur de taxi pour demander notre direction, en partant du présupposé que ces personnes seront à même de détenir l’information. [2]

Cependant, il n’est pas opportun d’encourager cette tendance naturelle quand nous concevons des dataviz, en particulier quand le sujet est complexe et appelle une prise de décision éclairée et réfléchie.

Dans le cas du sujet traité par le Monde, il aurait été possible de représenter l’adhésion au texte de la majorité non pas par député mais par parti politique. Or une représentation en graphique en barre du taux d’adhésion moyen des parlementaires par parti politique aurait renvoyé une illusion de similarité au sein des différents partis et aurait amené mécaniquement le lecteur à penser (cf schéma ci-dessous) : « Le parti politique A vote davantage en faveur des textes portés par la majorité que le parti politique C. Donc tous les députés du parti politique A sont plus proches de la majorité que tous les députés du parti politique C. »

Schéma illustratif réalisé à partir de données fictives (toute ressemblance avec des éléments réels serait fortuite)

Pour casser ces biais de perception, il est possible d’introduire de la dispersion dans nos dataviz et ainsi mieux refléter la complexité de la réalité. Des visuels tels que le nuage de point (Scatter Plot) ou le Jitter Plot sont de bonnes alternatives aux graphiques en barre ou histogrammes. 

Dans la dataviz du Monde, le nuage de points a été judicieusement choisi pour montrer le positionnement de chaque député. Cette représentation permet par ailleurs de croiser le taux d’adhésion des députés avec leur niveau de participation aux scrutins étudiés. Cela permet de calculer un indice de proximité plus complet et d’éclairer le sujet avec un nouvel axe d’analyse. 

Le lecteur est alors moins tenté de confondre le positionnement des députés avec celui des partis politiques pour le comprendre, et donc moins enclins à faire des préjugés.

Visuel extrait de l’article du Monde présenté en introduction (lien vers l’article)

En définitive, nous observons à travers l’exemple du Monde, qu’il est parfois nécessaire d’introduire de la dispersion dans les représentations visuelles pour traiter un sujet complexe. 

Les nuages de points et autres diagrammes de dispersion, permettent au lecteur d’appréhender un phénomène à la maille la plus fine et de limiter la création ou l’entretien de stéréotypes. Le lecteur est alors plus à-même de prendre du recul par rapport au sujet traité et de développer un point de vue éclairé quant au phénomène étudié. 

De manière plus générale, Eli Holder propose d’élargir notre conception de la “bonne dataviz” et d’aller au-delà de la représentation claire, accessible et esthétique. Il est nécessaire de prendre en compte sa responsabilité, en tant que créateur de dataviz, vis-à-vis de son public et du sujet traité. Il est essentiel de porter une attention particulière aux visuels choisis pour minimiser les interprétations inexactes, et par extension, la création de stéréotypes. 

[1] Eli Holder : Unfair Comparisons: How Visualizing Social Inequality Can Make It Worse

[2] Principles of Social Psychology – 1st International H5P Edition – Simple Book Production (opentextbc.ca)

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