La modélisation des processus s’est répandue au cours des dernières années. Elle est un exercice délicat, surtout pour des personnes peu préparées. Cette chronique propose 10 règles pratiques et éprouvées pour produire des modèles utiles, et les réaliser rapidement.
L’intérêt de la modélisation des processus n’est plus à démontrer. Du côté des informaticiens, de nombreuses démarches de conception, d’urbanisation, d’»architecture d’entreprise» se fondent sur la modélisation des processus ; ces méthodes commencent à se diffuser du côté des utilisateurs et à attirer l’attention des décideurs. En parallèle, de nombreuses entreprises refondent en permanence leurs processus pour les optimiser et les adapter aux évolutions de leur métier. Toutefois, bien modéliser n’est pas donné à tout le monde. Récemment, j’ai été témoin de l’expérience suivante : dans une grande entreprise, la Direction des Opérations avait demandé à 3 personnes de modéliser le même processus. A l’arrivée, elle a obtenu trois résultats complètement différents ! Imagine-t-on un architecte fournir trois plans différents pour un même bâtiment, ou un constructeur de PC fournir 3 plans différents de la même carte-mère à son fabricant ?
Bien modéliser n’est pas un problème d’outillage, mais de méthode : la véritable difficulté est d’appliquer des règles simples, pour aboutir à un modèle qui soit à la fois fidèle et utile. Il ne suffit pas de maîtriser les notations BPMN ou UML : comme pour la musique, savoir lire une partition ne fait pas de vous un Bach ou un Gainsbourg du jour au lendemain !
Pour remédier à cette situation, il convient d’appliquer les dix règles concrètes de modélisation des processus :
1) Distinguer processus et procédure :
Cette règle bien connue est dans les faits très mal appliquée. Rappelons les définitions de l’AFNOR : un processus est un ‘ensemble d’activités corrélées ou interactives qui transforme des éléments d’entrée en éléments de sortie’ alors qu’une procédure est la ‘manière spécifiée d’accomplir une activité’. Bref, le processus décrit uniquement les invariants, c’est-à-dire les règles universelles applicables à toutes les organisations, indépendamment des moyens utilisés pour son exécution. Les moyens sont à décrire dans les procédures. Par exemple, une entreprise peut décider de mettre en place un processus unique et multi-canal pour traiter les réclamations de ses clients. Ce processus se déclinera ensuite selon différentes procédures, selon que la communication avec le client se fait par courrier, par e-mail, ou par téléphone.
Distinguer processus et procédure est la condition indispensable pour identifier les règles communes que l’entreprise s’impose – ou que le monde extérieur lui impose -, et bien les séparer des contraintes liées aux moyens utilisés.
2) Se contenter de 3 niveaux de description :
On rencontre parfois de superbes « chaînes de valeur » où les processus se décomposent en poupées russes. Il est fréquent de devoir explorer 6 ou 7 niveaux de profondeur. D’autres modélisateurs sont des adeptes de la récursivité : un seul concept est mis en œuvre, par exemple l’activité, et une activité peut contenir des activités, et ainsi de suite… Problème : dans les deux cas, ces modèles s’avèrent très vite inexploitables.Par exemple, il est très difficile au modélisateur de déterminer si l’action « contacter le client » devrait se situer au niveau 4, 5 ou 6. Conséquence : le référentiel des processus de l’entreprise contient de nombreux doublons, alors que chaque tâche et chaque activité ne devraient être décrites qu’une seule fois.
Nous recommandons de n’utiliser que trois éléments pour décrire les processus : au niveau le plus détaillé, la tâche, puis l’activité, et enfin le processus lui-même. Un quatrième niveau de description est utile lorsque l’on veut décrire les procédures : nous recommandons d’introduire la notion d’opération. Chaque tâche est alors décrite comme une suite d’opérations. Par exemple, contrôler l’identité d’une personne se décline en plusieurs opérations selon les pays et les supports (carte d’identité, badge, passeport biométrique…)
3) Définir les tâches par la transformation d’un objet Métier :
Toute tâche doit modifier un objet Métier. Par objet Métier, Rhapsodies Conseil entend un élément manipulé au quotidien par les acteurs de l’Entreprise. Il est assez facile de dresser une liste des principaux objets Métiers. Ce sont souvent les mêmes d’une entreprise à l’autre : des produits, des commandes, des contrats, des matériels…La règle permet alors de déterminer quelles sont les tâches qui sont vraiment nécessaires. En effet, comme on l’entend souvent dire, une tâche doit avoir une valeur ajoutée. Un moyen concret de s’en assurer, est de vérifier que la tâche a effectivement modifié un objet. A l’inverse, toute action qui ne modifie rien n’a pas de valeur ajoutée, il est donc totalement inutile de la décrire. L’action « lire le courrier » par exemple n’a aucune valeur ajoutée : ce qui importe vraiment, c’est de déterminer les tâches à exécuter suite à la réception de ce courrier.
4) Faire porter toutes les règles de gestion par des tâches :
Cette règle découle de la précédente. Soit une tâche T1, qui permet de faire passer un objet O d’un état E1 à un état E2. Pour cela, elle doit obéir à une série de règles de gestion. La tâche suivante aura pour but de traiter tous les objets O qui sont dans l’état E2. A ce niveau de description, il est totalement inutile d’ajouter une règle (ou pire, une tâche, comme on le voit parfois) pour indiquer que lorsque la tâche T1 est terminée, alors il faut exécuter la tâche T2. Ainsi, dès le départ, on isole tout naturellement les règles d’enchaînement, ce qui facilite l’utilisation d’outils d’orchestration de processus (BPM, workflow).
5) Appliquer une démarche ‘bottom-up’ :
C’est-à-dire décrire d’abord le niveau le plus fin, les tâches. Celles-ci seront ensuite regroupées en activités, en fonction de règles précises. Ceci évitera de reproduire l’organisation et les règles existantes : il suffit d’identifier l’objet Métier en jeu, l’état final de cet objet, pour déterminer de proche en proche les étapes nécessaires et les autres objets manipulés. Exemple : pour un processus de recrutement, la dernière tâche peut être exprimée par « confirmer l’adéquation du candidat au poste ». On en déduit les tâches antérieures : contrat signé, poste de travail configuré, recrue formée,… Comme on le voit dans cet exemple, on transcende les frontières de l’organisation, qui le plus souvent confie la formation à une entité, la signature du contrat d’embauche à une autre, la configuration du poste de travail à une troisième.
6) Utiliser les évènements avec parcimonie :
Dans la grande majorité des cas, il est inutile de conserver une trace séparée des évènements. Il suffit d’historiserles états successifs par lesquels l’objet Métier est passé, ce qui revient exactement au même. Par exemple, il est bien évident que la tâche « valider une facture » fait passer la facture à l’état validé ; il ne sert donc à rien d’enregistrer dans le système d’information un évènement ‘facture validée’. Il suffit de mémoriser la date à laquelle la facture a été validée, et ce, seulement si on en a vraiment besoin. Cette approche simplifie la mise en œuvre du pilotage de l’activité (BAM) en se concentrant directement sur les résultats, et non sur les évènements.
Bien entendu, certains évènements doivent figurer dans le modèle de processus. C’est en particulier le cas des évènements indépendants de tous les acteurs : par exemple, la fin du mois, pour déclencher un arrêté comptable.
7) Faire porter les activités sur un objet métier unique :
Une activité est une suite de tâches qui portent sur un même objet, et qui a pour but de faire passer cet objet par des états successifs de son cycle de vie. La raison de ce critère de regroupement est purement économique : dans l’idéal, cette série de tâches devrait pouvoir être confiée à un même agent, de manière à éviter les ruptures de charge, toujours coûteuses.
8) Déterminer les rôles à partir des activités, et non l’inverse :
Un rôle doit être vu comme l’ensemble des privilèges nécessaires à un même agent (personne, système…) pour pouvoir exécuter les tâches qui lui sont confiées. Dans l’idéal, comme on l’a vu précédemment, il est plus économique de faire exécuter une activité de bout en bout par le même agent. Toutefois, ceci n’est pas toujours souhaitable, en particulier pour des raisons de sécurité et de contrôle. L’exemple classique est le traitement des factures Fournisseurs : l’agent qui valide une facture ne peut pas déclencher le règlement de celle-ci. Ceci aboutit à définir deux rôles distincts. Contrairement à l’approche couramment pratiquée, ce ne sont donc pas les rôles qui doivent déterminer les activités, mais bien les activités qui doivent déterminer les rôles. Le titre de « Contrôleur de Gestion » par exemple, ne permet pas de déterminer les différentes activités dont un contrôleur de gestion a la charge : celles-ci varient fortement d’une organisation à l’autre. Par exemple, dans certaines entreprises, le contrôleur de gestion approuve les commandes d’investissement; dans d’autres, il valide les factures.
9) Distinguer les pouvoirs des compétences :
Les compétences nécessaires à l’accomplissement des activités n’ont pas à intervenir lorsqu’il s’agit de décrire un processus. Ces compétences seront à prendre en compte dans un deuxième temps seulement, au moment de définir les moyens nécessaires pour exécuter les tâches, c’est-à-dire lorsque l’on déclinera les procédures. Choisir de spécialiser ou non des agents en fonction de leur compétences est une décision purement économique :dans beaucoup de restaurants, le client va se servir lui-même. Et dans certains restaurants, le client cuit lui-même son repas !
10) Tenir compte des intérêts de toutes les parties prenantes :
Ce sera notre critère principal pour déterminer les bornes d’un processus. Un processus n’est que l’un des chemins possibles parmi toutes les activités qui figurent au « catalogue » de l’entreprise : il ne s’arrête que lorsque les intérêts de toutes les parties prenantes sont satisfaits. Par exemple, il y a quelques années, un opérateur de téléphonie mobile prenait la peine d’appeler ses clients dans les 48 heures suivant leur achat d’un nouveau coffret, de manière à s’assurer qu’ils arrivaient bien à l’utiliser. Par ailleurs, on oublie trop souvent les intérêts de l’État, du partenaire à qui il faut verser une commission,… Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que toute l’Entreprise peut se réduire à un seul processus !
En conclusion, ces quelques règles basiques garantissent un référentiel de processus homogène : éviter d’avoir 200 actions pour décrire un processus alors que 15 suffisent, éviter des doublons du type « accorder un prêt » et « octroyer un crédit »… Avantage tout aussi important, elles amènent à se poser les bonnes questions au moment de modéliser un processus : et en particulier, distinguer ce qui est vraiment invariant, de ce qui dépend des moyens utilisés. Un modèle construit avec ces règles permettra à l’organisateur de trouver des leviers d’optimisation, et à l’informaticien, de trouver les fonctions à implémenter dans le système informatique.
Remerciements : Rendons à César ce qui lui appartient : si la majorité de ces règles sont ma modeste contribution, je remercie Praxeme qui dès 2003, avait clairement formulé la règle N°3. Merci également au Club des Pilotes de Processus, dont sont tirés quelques-uns des exemples cités.
Une architecture d’entreprise bien conçue est le fruit d’une intelligence collective. Le déploiement des pratiques d’architecture doit aussi être considéré du point de vue humain. Tentative de démonstration en ré-exploitant quelques enseignements de la mobilisation en entreprise.
Pour concevoir et faire évoluer l’architecture du système d’information d’une entreprise, il faut tenir compte de nombreuses préoccupations hétéroclites : métiers, techniques, managériales, financières, réglementaires, etc.
Par leurs efforts, les différents métiers en charge de l’architecture parviennent à définir des architectures cohérentes, alignées avec les différents besoins, à la fois pérennes et évolutives. Une architecture bien conçue est finalement le fruit d’une mobilisation, par laquelle l’intelligence collective opère correctement. Pour aider les architectes d’entreprise, il existe un ensemble de bonnes pratiques permettant de concevoir une architecture adaptée à chaque entreprise, développé depuis plusieurs années. Ces bonnes pratiques sont une extension des pratiques architecturales à l’ensemble de l’entreprise : représenter (modéliser) pour concevoir et partager ; comprendre l’existant pour savoir d’où l’on part ; établir une cible ; établir des bibliothèques d’architectures-types ré-exploitables ; etc.
L’effort d’appropriation de ces bonnes pratiques est souvent focalisé sur la définition des outils de l’architecte (modélisation, patterns, concepts, livrables, etc.). L’appropriation et l’adoption des outils est longue et on la qualifie volontiers « d’évangélisation ». Aussi pertinents ces outils soient-ils, ils ne peuvent pas provoquer la mobilisation de l’intelligence collective à eux seuls. On doit compléter leur déploiement par une série d’initiatives visant à mobiliser les acteurs de l’architecture. Il faut rappeler ce qu’est la mobilisation.
Les différentes formes de la mobilisation
La mobilisation est l’acte intentionnel d’un collaborateur le conduisant à faire des efforts dans le sens d’un travail collectif. D’après Arnaud Bichon, sociologue, on trouve trois formes de comportement de mobilisation, classés par ordre de complexité croissante :
Les conduites relationnelles : ce sont les efforts favorisant la connaissance mutuelle des acteurs et divers types de partage entre eux. C’est le fameux « esprit de corps » des gens du (même) métier qui s’apprécient. Le collaborateur mobilisé est celui qui fait l’effort de tisser des liens, de vivre des expériences avec l’autre. L’inverse, c’est l’individu isolé qui n’engage aucune relation particulière.
Les conduites coopératives : ce sont les efforts spontanés de collaboration, avec des prises d’initiatives dépassant le cadre stricte des obligations. Le collaborateur mobilisé est celui qui travaille délibérément en interaction avec ses collègues et s’implique dans les décisions, qui « partage ». L’inverse c’est la non-collaboration.
Les conduites d’intercompréhension : ce sont les efforts pour construire des représentations communes, comme référence des actions collectives et individuelles. Le collaborateur mobilisé est celui qui développe une vision globale de l’activité contribuant à « construire avec autrui ». L’inverse, c’est celui qui veut rester dans son cadre de référence.
La mobilisation est provoquée selon deux modalités de natures très différentes, qui se complètent :
Un processus managérial de mobilisation (pratiques RH, prescriptives et descendantes, sous forme d’injonctions) visant à déclencher la mobilisation.
Un ensemble de comportements individuels, « autogènes », à l’initiative du collaborateur.
Plus les formes de mobilisation sont complexes (de 1 à 3 dans la liste plus haut), plus elles sont délicates à provoquer, car elles sont discrétionnaires. L’intelligence collective fait partie de celle-ci. Elle fait parfois dire à des patrons d’entreprises que « la collaboration se constate, mais qu’elle ne se mesure pas », comme une déclaration d’impuissance.
Application à l’architecture
Lorsque l’on déploie les outils de l’architecte (modélisation, patterns, concepts, livrables, etc.) on travaille sur une série d’injonctions visant à provoquer l’utilisation de nouveaux outils. A l’opposé d’une démarche par injonctions, pour que l’intelligence opère, il faut agir sur les comportements, afin de créer des réflexes de collaboration. Il s’agit de créer un contexte favorable.
Dans cette perspective, des actions prioritaires sont à mener en parallèle :
Faire reconnaître la pratique de l’architecture dans le cadre de référence RH de l’entreprise. Il paraît difficile de demander au équipes de réaliser des effort sur une discipline qui ne serait pas reconnue comme telle. Cela nécessité une réflexion, car il n’existe pas de cadre de référence publiée sur le sujet. On trouve n variantes sur le sujet « Architecte » dans le domaine SI. C’est dans le cadre de référence RH que l’on pourra définir les fonctions des « Architectes d’Entreprise » et des points de repère pour formuler des objectifs annuels individuels.
Créer une communauté des architectes, pour provoquer les rencontres et les « conduites relationnelles » qui ensuite seront poursuivies dans le cadre des activités courantes. Cette communauté peut prendre différentes formes : petits déjeuners débats réguliers, conférences animées par des intervenants internes ou des prestataires, groupes de travail à thème, outils de partage d’information (le « wiki » des architectes), etc.
Développer l’envie de faire de l’architecture, en recherchant et en agissant systématiquement sur les appétences et les freins des acteurs de l’architecture. On doit pouvoir établir un plan d’action de changement très pragmatique, impliquant les acteurs et leurs hiérarchies, en complément des habituelles réunions d’information. sur l’architecture.
Développer un réseau favorable à l’architecture en identifiant les alliés sur lesquels on peut compter et en leur confiant des initiatives concourant au déploiement de l’architecture.
Je n’ose pas rappeler qu’un soutien, dans les paroles et les actes, de la Direction des Systèmes d’Information, est indispensable pour que l’opération réussisse.
Le marché de l’externalisation est devenu plus mature et les DSI beaucoup plus expérimentées sur la base des différentes générations de leurs contrats d’externalisation. Les enjeux d’hier : préparer / lancer un appel d’offre et contractualiser les services sont aujourd’hui perçus comme moins sensibles en dépit de nouveaux enjeux tels que le multi-sourcing, les renouvellements de contrats forcément plus fréquents et les nouvelles approches de delivery (Cloud, Devops, Agilité, SDA/RPA,…).
Néanmoins et en dépit de la maturité du marché, les difficultés à capter toute la valeur ajoutée des projets d’externalisation informatique n’ont pas diminué et ce d’autant plus que les durées cumulées des différents contrats s’allongent … Au-delà du RFP et du contrat quels sont donc les écueils que l’on rencontre dans les projets d’externalisation informatique ? Sur la base de mon expérience et des échanges que je peux avoir avec mes clients, j’identifie quatre type d’écueils :
Ecueil n°1 : pas de stratégie de sourcing pertinente
On peut presque tout externaliser mais pas n’importe comment ni avec n’importe qui…
Les motivations à externaliser un périmètre donné devraient théoriquement être toujours déterminées par l’objectif de le faire progresser dans différentes dimensions (coûts, qualité, flexibilité,..). Une fois tranchée la question des grands domaines susceptibles d’être externalisés, se posent des questions de stratégie de sourcing plus opérationnelle et leurs lots d’écueils potentiels :
Les axes de progrès recherchés (organisation, finance, technique,…) ne sont parfois pas formalisés et/ou partagés : difficile dans ces conditions de mesurer la valeur de tels projets et surtout d’empêcher les différentes parties prenantes d’être en situation d’insatisfaction quasi-permanente,
Dans certains cas, les leviers de progrès / d’optimisation indispensables et adaptés sont incompatibles avec la politique de l’entreprise ou bien les transformations organisationnelles à mener ne sont pas traitées dans le cadre du projet d’externalisation. En conséquence des projets souvent pertinents se retrouvent « plantés » en raison d’un modèle de sourcing inadéquat ou d’une gouvernance qui n’a pas été adapté. C’est dans ces situations que l’on voit des appels d’offres qui posent les mauvaises questions au marché,
Pire encore, l’appel d’offre pose les bonnes questions mais aux mauvais acteurs … C’est la meilleure manière d’externaliser un périmètre à un fournisseur qui n’a pas les leviers (industriels, méthodologiques, humains,..) pour faire progresser ce périmètre. C’est un cas que l’on voit relativement souvent quand un donneur d’ordre n’est pas si mature que cela et finit par signer un contrat avec un fournisseur aussi peu mature que lui mais avec qui le niveau d’échange est très bon mais les promesses rarement tangibles …
Ecueil n°2 : un gouvernance contractuelle de la relation
Quand on n’a qu’un marteau comme outil, tous les problèmes ressemblent à des clous…
Ou quand la relation client-fournisseur n’est vue qu’au travers du prisme du contrat signé – on parle alors de gouvernance contractuelle de la relation – tous les aspects de la relation client-fournisseur semblent régis par le contrat avec les écueils suivants :
Sans surprise, les gestionnaires de contrats côté fournisseurs finissent assez rapidement par se prendre pour les gestionnaires de la relation client mais avec un niveau d’échange limité aux enjeux de delivery, des interlocuteurs côté client centrés sur le pilotage du contrat et une tendance à ne pas laisser approcher les commerciaux et autres gestionnaires de comptes de ce qu’ils considèrent être leur périmètre. En conséquence, aucune promesse implicite (non contractualisée) n’est généralement tenue (exemple l’innovation) et le dynamisme dans la gestion du contrat / de la relation n’est souvent pas au rendez-vous.
Dans le contexte d’une gouvernance contractuelle de la relation le niveau des échanges conditionne le niveau des interactions. Ainsi l’on parle plutôt d’une relation de coopération et d’un partage des tâches que d’une relation de collaboration où ce sont les objectifs qui seraient partagés. Les incidences sont concrètes et directes, avec par exemple dans le cas de la coopération, un pilotage via un certain nombre de revues d’évaluation de la performance et pour la collaboration un certain nombre de revues de synchronisation … Ça fait toute la différence et c’est le début de relations client-fournisseur plus équilibrées / plus productives.
Ecueil n°3 : des services non centrés sur les utilisateurs
Les services sont produits au moment où ils sont consommés. On ne peut donc jamais s’affranchir de l’utilisateur…
Si les utilisateurs sont souvent les derniers à découvrir ce qui a été prévu pour eux dans un contrat d’externalisation, ils sont généralement les premiers à être impactés quand les services ne leur conviennent pas. Autant l’équation de services centrés sur les utilisateurs est simple à poser « adéquation aux besoins + attitudes + performance + valeur ajoutée », autant la promesse est difficile à tenir dans le cadre des projets d’externalisation. Je ne connais pas de méthodes scientifiques pour réussir ce challenge mais recommande trois principes d’actions de bon sens :
Impliquer les utilisateurs dans la définition du catalogue de services. C’est simple quand la maîtrise d’ouvrage est structurée, c’est difficile et souvent inefficace quand c’est la maîtrise d’oeuvre qui s’en charge et présume des besoins des utilisateurs,
Ne pas trop stéréotyper les prestations et veiller à garder de la flexibilité dans le modèle de delivery,
Enfin, concevoir des services certes industriels mais sans jamais les déshumaniser.
Ecueil n°4 : modèle d’opération inadapté
Ce n’est pas en faisant les choses de la même façon que l’on obtient des résultats différents…
Pour faire progresser les périmètres externalisés dans différentes dimensions (coûts, qualité, flexibilité,..), le fournisseur doit transformer le ou les modèles d’opération existants à l’aide de leviers de transformation dont son client ne dispose à priori pas.
Mais dans certains cas, le modèle d’opération cible n’est pas adapté aux progrès attendus et ce pour trois raisons principales :
Le projet d’externalisation a prévu une phase de transition des services vers l’infogérant mais n’a tout simplement pas prévu de phase de transformation.
Dans d’autres cas, un projet de transformation a bien été prévu dans le projet d’externalisation mais à l’usage, les leviers de transformation se révèlent inapplicables où bien le projet de transformation ne va pas au bout pour d’autres raisons (souvent des raisons de complexité, de coûts du projet ou de maturité de l’équipe en charge de la transformation).
Parfois c’est le client qui ne collabore pas suffisamment au projet de transformation avec son infogérant…. rarement volontairement mais souvent pour des raisons de gouvernance interne.
Dans les trois cas, le résultat est problématique car l’infogérant n’a tout simplement pas les moyens de tenir ses promesses avec un modèle d’opération inadapté / non transformé.
A titre d’illustration, on peut noter le cas de grands groupes qui externalisent – pour les faire converger – leurs différents Service Desk (filiales / pays) vers un infogérant unique. Dans de nombreux cas la « transformation » s’arrête à la transition des différents périmètres vers le fournisseur choisi. Très peu de rationalisations sont finalement menées et la capture des gains liés à la mutualisation de ressources et à l’utilisation de processus et d’outils communs demeure un vœu pieu.
Et pourtant tout s’annonçait si bien…
Syndrome du Titanic ?
Pour finir, les 4 écueils précédemment évoqués partagent avec l’histoire du Titanic et de son iceberg fatal, les 2 caractéristiques suivantes :
Ces écueils sont potentiellement dans le chemin critique du succès du projet d’externalisation avant le démarrage du projet,
Une fois le projet lancé, ces écueils sont difficiles à éviter / contourner.
En guise de conclusion : quelle que soit votre maturité en matière d’externalisation, il est toujours aussi crucial et difficile d’acheter les bonnes promesses et de faire en sorte qu’elles soient tenues dans la durée.