13 mai 2025
Léopold Lucas
Consultant Numérique Durable
Constat d’un monde toujours plus numérisé : naviguer et interagir en ligne s’apparente aujourd’hui à un jeu d’enfant pour la majorité d’entre nous !
Une bonne partie de nos activités du quotidien se font par l’intermédiaire d’une interface homme-machine : Travailler, se divertir, s’informer, interagir socialement ou même faire nos courses.
Pourtant, tout le monde n’accède pas à internet avec la même aisance : Difficultés de lecture, déficiences visuelles, handicaps moteurs, handicaps cognitifs, mauvais réseau et le plus présent : se sentir dépassée par l’immensité d’internet et la peur de faire une mauvaises manipulation.
Il existe une action prioritaire à effectuer pour réduire ces inégalités sociales : rendre accessible les interfaces et contenus en ligne.
Qu’est-ce que l’accessibilité numérique ? Pourquoi cette démarche est primordiale ? Qui est concerné ? Par où commencer et que faire ? Cet article a pour objectif de répondre à ces questions et de vous donner les arguments pour mettre ce sujet au premier plan, sa place légitime.
Qu’est ce que l’accessibilité numérique ?
L’accessibilité dans le numérique c’est donner la possibilité à tout un chacun, qu’importe sa situation, d’utiliser à 100% les fonctionnalités d’un service numérique.
Cela signifie que ce service doit être facilement accessible (pas caché et trop lourd), que son contenu est compréhensible par n’importe qui (pas de complexité inutile, pas d’indication par la couleur seulement) et qu’une personne en situation de handicap pourra l’utiliser à son plein potentiel.
L’accessibilité numérique ne concerne pas seulement les personnes handicapées mais plutôt toute personne qui se retrouve en situation de handicap. Cette subtilité peut paraître exagérée mais en réalité, elle est l’élément le plus important.
Pour rappel, constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie par une personne, en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive, d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant.
Pourquoi parler d’accessibilité numérique ?
Dans un premier temps, depuis 2006, l’accessibilité numérique est considérée comme un droit fondamental dans la convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU.
De fait, c’est un sujet phare qui est depuis ce moment-là réglementé. En effet, en France, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a, dès 2005, créé des obligations en matière d’accessibilité numérique pour les services numérique publics, et les a étendu à partir de 2019 aux entreprises dont le chiffre d’affaires excède 250 millions d’euros.
Lorsqu’on parle de service numérique, voici les services concernés :
- les sites internet, intranet, extranet
- les progiciels, dès lors qu’ils constituent des applications utilisées au travers d’un navigateur web ou d’une application mobile
- les applications mobiles qui sont définies comme tout logiciel d’application conçu et développé en vue d’être utilisé sur des appareils mobiles, tels que des téléphones intelligents (smartphones) et des tablettes, hors système d’exploitation ou matériel
- le mobilier urbain numérique, pour leur partie applicative ou interactive, hors système d’exploitation ou matériel.
Pour encadrer cette démarche d’accessibilité numérique, un référentiel national, s’appuyant sur les standards internationaux (WCAG) a été créé : le Référentiel Général d’Amélioration et d’Accessibilité (RGAA). Ce référentiel comporte 106 critères répartis en 13 thématiques (images, navigation, couleurs, etc.) qui permettent de rendre des services numériques utilisable, perceptible, compréhensible et robuste.
Malheureusement, même si une réglementation existe, la réalité en est tout autre.
Aujourd’hui, internet n’est pas accessible
D’après un audit effectué par Contentsquare, sur les 50 sites français les plus visités, voici leurs taux de conformité :
Résultat des courses, 1 site sur 2 ne respecte pas les obligations d’affichage de conformité. Parmi eux, seulement 1 affiche un taux de conformité à 100% alors que plus de la moitié affichent un taux inférieur à 50%, ce qui signifie qu’il sont totalement inaccessibles.

Pour apporter plus de clarté, selon le RGAA, un site ayant un taux de conformité entre 0 et 50% est inaccessible, entre 50 et 99% il est partiellement accessible et à 100% il est totalement accessible.
Derrière ces services numériques non conformes, il y a des entreprises qui se justifient bien souvent de cette façon :
- “ Nos utilisateurs ne sont pas handicapés ”
- “ L’accessibilité ne concerne qu’un petit groupe d’utilisateurs “
- “ L’accessibilité n’aide que les personnes handicapées “
Pourtant, lorsqu’on se renseigne sur le nombre de personnes en situation de handicap, on comprend rapidement que ces arguments sont tout bonnement faux.
Une personne sur trois est en situation de handicap
Aujourd’hui, 80% des handicaps ne sont pas visibles. Et en France :
- 2 millions de personnes ayant un handicap lié à la vue
- 3,3 millions de personnes daltoniennes
- 5,4 millions ayant des handicaps liés à l’audition
- 2,3 millions ayant des handicaps moteurs
- 5 à 6 millions ayant des handicaps intellectuels / mentaux
- 6,6 millions étant dyslexiques

Dans cette représentation de la population, on peut observer que lorsque l’on prend en compte les handicaps invisibles à l’œil nu, près d’un tiers de la population est en situation de handicap. En sachant cela, il est impossible de continuer à ignorer les bienfaits de l’accessibilité numérique.
Pas encore convaincu ? Voici d’autres arguments qui ne pourront que vous embarquer dans cette démarche.
Pourquoi l’accessibilité numérique est l’affaire de tous ?
Les différents types de handicap
De façon temporaire ou situationnelle, un grand nombre de personnes pourraient bénéficier de l’accessibilité numérique.
Cette illustration de Microsoft Inclusive Design montre que derrière chaque handicap permanent, il existe des similitudes avec des situations que nous pouvons tous vivre. Par exemple, une personne chargée physiquement bénéficiera des fonctionnalités accessibles pour une personne ayant perdu un membre (validation sans contact). Une personne dans un environnement bruyant bénéficiera des fonctionnalités accessibles pour une personne en situation de surdité (sous-titres).

Mitiger la fracture numérique
Selon le CSA, un français sur 6 est en situation d’illectronisme, ce qui signifie qu’elle est en difficulté, voir incapable d’utiliser un service numérique en raison d’un manque ou d’une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement et parfois même de la peur de mal faire. L’accessibilité numérique ayant pour but d’améliorer la compréhension, la perceptibilité et l’utilisabilité d’un service numérique, il est aujourd’hui indéniable qu’il est nécessaire d’en faire un sujet d’importance pour réduire la fracture du numérique.

Améliorer son image
En étant publiquement plus inclusif, on promeut l’engagement citoyen de l’entreprise. Cela permet d’attirer non seulement les clients, les investisseurs, etc; mais aussi de nouveaux talents en quête de sens.
Renforcer son référencement en ligne
Google (pour ne citer que ce moteur de recherche) peut pénaliser les sites inaccessibles, ce qui impacte négativement votre référencement. Si le robot d’indexation Google était humain, il cumulerait les handicaps :
- Il serait en partie aveugle (il a besoin d’aide pour comprendre les images)
- Il serait sourd
- Et n’aurait pas la possibilité de percevoir les couleurs (comme un daltonien)
C’est donc en prenant en compte les bonnes pratiques d’accessibilité web que l’on améliore la compréhension du robot d’indexation et donc son classement sur les moteurs de recherche.
Être au service de l’écoconception
Penser accessible et inclusif dès la conception, c’est se concentrer sur les fonctionnalités les plus essentielles :
- Se focaliser sur la clarté du contenu permet de rendre les services plus légers et donc moins consommateurs d’énergie;
- Se focaliser sur l’utilisabilité permet :
- D’être compatible avec différentes spécificités des terminaux utilisateurs (OS, navigateur, résolution d’écran, langues, etc.)
- Et donc d’éviter le coût économique et environnemental du renouvellement des terminaux utilisateurs non adaptés au service.
Pour en savoir plus sur l’éco-conception, nous avons rédigé un article qui pourrait vous intéresser ici.
Brisons quelques mythes
“Rendre un site web accessible est coûteux et prend du temps“ & “On peut rapidement ajouter l’accessibilité avant la Mise en Production“
Prendre en compte l’accessibilité numérique d’un service coûte de l’argent et prend du temps. C’est encore plus vrai lorsque c’est la première fois. En revanche, plus on prend tardivement en compte le référentiel d’accessibilité, plus son coût de mise en place sera élevé car nous serons obligés de refaire certains éléments non-accessibles.

C’est pour cette raison que l’accessibilité est un sujet à prendre en compte dès le début de la conception d’un service numérique.
“L’accessibilité numérique c’est de la responsabilité des développeurs”.
Non, toutes les parties prenantes d’un produit sont garantes de l’accessibilité.
Le client doit consacrer du temps et du budget à l’intégration de l’accessibilité dès le début du projet pour des soucis de conformité et d’utilisabilité.
Les équipes marketing et de vente doivent comprendre que le fait de rendre les sites web et les applications plus accessibles peut directement influencer l’utilisation ou non des services.
Les équipes de design, doivent garder en tête qu’elles influencent de façon directe les bases du code qui sera écrit et ont une grande influence sur l’accessibilité d’un service numérique. Dans certaines organisations, un développeur ne remettra pas (ou ne pourra pas remettre) en question ce qui lui est envoyé par ce groupe. Les concepteurs et les spécialistes UI/UX doivent donc s’assurer que leurs maquettes sont accessibles avant qu’un développeur n’écrive ne serait-ce qu’une ligne de code.
Les utilisateurs finaux, doivent être au centre des choix effectués, qu’importe leurs situations, leurs navigateurs, leurs appareils et leurs technologies d’assistance. Il est impossible de rendre votre service accessible à 100 % à toute cette variété sans leurs retours. Les utilisateurs doivent donc pouvoir signaler les problèmes qu’ils rencontrent sur le service et l’on se doit d’apporter les modifications nécessaires.
Et bien sûr tout ça est rendu possible grâce aux développeurs qui rendent utilisable le service !
Convaincu ? Voici comment se mettre en marche :
Commençons par les bonnes pratiques d’accessibilité numérique les plus importantes, catégorisées par les 4 piliers de l’accessibilité :
Perceptible :
- Une mise en page simplifiée (démarche Mobile First)
- Des légendes sous les médias
- Des sous-titres dans les vidéos ou extraits audio
Utilisable :
- Faciliter la navigation
- Rendre accessible au clavier
- Des délais suffisants pour agir
Compréhensible :
- Des contrastes élevé et adapté aux handicaps visuels
- Des polices lisibles par tous
- Un fonctionnement prévisible pour un utilisateur lambda
Robuste :
- Compatible avec tous types de terminaux
- Compatible avec les périphériques d’assistance
- Compatible avec le plus de système d’exploitation / navigateur possible
Comme dit précédemment, l’accessibilité est à prendre en compte avant même le début des développements du service. C’est au moment de l’expression de besoin et des choix de conception que nous avons le plus de chance de prendre en compte l’accessibilité numérique. En effet, faire machine arrière ensuite sera plus compliqué car cela reviendrait à refaire !
Donc, avant même de penser à l’expérience utilisateur et les interfaces, il est important :
- D’ajouter l’accessibilité comme un critère déterminant dans le cahier des charges du projet
- D’identifier les prestataires les plus apte à vous accompagner sur le sujet (certification, formations suivies, projets précédents)
- De se fixer un objectif de conformité
Ensuite, pendant l’étape de conception il sera nécessaire :
- De présenter l’enjeu de la démarche d’accessibilité numérique et partager les outils et référentiels utiles.
- D’identifier des personae spécifiques d’un point de vue accessibilité afin qu’ils soient représentés comme des utilisateurs à part entière du service.
- De proposer une expérience et une interface utilisateur suivant les critères d’accessibilité à l’aide d’une checklist du designer accessible qui permet de :
- Rendre les contenus accessibles et inclusifs
- Utiliser une palette de couleurs accessible
- Faire des formulaires bien conçus
- Rendre la navigation simple
Ensuite, pendant la phase de développement, l’objectif sera de rendre “utilisable” le design proposé.
Pour préparer au mieux cette étape, il conviendra dans un premier temps :
- De présenter l’attendu en termes d’accessibilité numérique sur le projet aux équipes de développement (référentiel, outils, taux de conformité souhaité, …)
- D’ajouter dans le « à faire » le respect des bonnes pratiques d’accessibilité
- Dans une gestion de projet agile, prendre en compte la conformité au RGAA dans la Definition of Ready et la Definition of Done (ou équivalents).
Pendant le développement, il ne faudra pas oublier :
- D’utiliser les outils à ma disposition pour rendre le service le plus accessible possible
- De remonter à l’équipe lorsque des éléments à développer n’ont pas été pensés de façon à ce qu’ils soient accessibles.
- De tester l’accessibilité des parcours de bout en bout avec des outils comme Lighthouse ou AXE DevTools pour le web.
Et avant la mise en production, un audit est à prévoir pour obtenir le score de conformité au RGAA et une déclaration d’accessibilité, si vous êtes concernés par les exigences. Enfin, pendant la période d’exploitation du service, l’accessibilité numérique sera à maintenir et à suivre tout le long de sa vie.
Deux points d’attentions sont à garder en tête :
- L’accessibilité doit être améliorée à la suite des retours d’expérience d’utilisation du produit et des tests utilisateurs.
- Il est également important de prendre en compte l’accessibilité dans les évolutions du produit pour répondre aux exigences légales.
L’accessibilité numérique est l’affaire de tous car :
- Si on ne la prend pas en compte, on ferme la porte aux personnes en situation de handicap et celles qui ne sont pas à l’aise avec le numérique
- Tout service numérique plus accessible est finalement plus lisible pour tout le monde
- Si l’on n’embarque pas toute les parties prenantes de nos projets/produits numériques dès la phase de conception, les coûts liés à la mise en conformité peuvent exploser
- Le sujet ne concerne pas strictement l’accès au numérique mais l’accès à la société.
L’accessibilité est un état d’esprit, une culture à développer et à suivre, pas quelque chose de ponctuel car sinon cela ne fonctionne pas. La démarche ne doit pas être un one shot sur quelques produits mais plutôt une démarche de bout en bout.
Chez Rhapsodies Conseil, nous proposons de vous accompagner dans la mise en place d’une démarche de Conception Responsable by design dans votre organisation.
Pour faire de cette démarche une réalité, nous pouvons intervenir à plusieurs niveaux :
- La sensibilisation avec l’animation de Fresque de l’Accessibilité Web ou Fresque du Numérique
- La formation avec nos modules entre 1 journée et 3 jours en fonction des profils de vos équipes et de leur maturité sur le sujet (Chef de projet (MOA, MOE), Designer, Développeur, Architecte, etc.)
- La stratégie, construction et le déploiement d’un cadre de Conception Responsable adapté à vos processus et gouvernances existantes comme nous l’avons déjà fait dans plusieurs organisations publiques et privées.
Si cela vous intéresse, vous pouvez nous contacter !