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Le Spleen du neo-manager agile

Le Spleen du neo-manager agile

14 avril 2018

– Lecture de 3 mn

David Couillard

Directeur Transformation Office Management

Avant l’agilité, c’était clair : je disposais d’une série d’outils d’analyse que j’appliquais sur mes projets en fonction des problèmes rencontrés.

Quand un sujet apparaissait, je définissais une démarche de traitement, je l’appliquais ou la faisais appliquer. Je la pilotais. Je rendais compte. Et en cas de besoin je faisais évoluer la démarche. De plus comme j’étais quelqu’un d’attentif au sort de mes congénères, je faisais attention à chacun et je mâtinais nos travaux d’explications, d’entretiens personnalisés, pour vendre, adapter les solutions trouvées à chaque problème. Régulièrement, j’organisais des séminaires pour mobiliser les équipes, organiser les médiations nécessaires avec nos clients, bref faire progresser tout le monde dans le même sens.

Mon principal souci était de faire avancer les dossiers dont mon équipe était chargée. Et je rentrais chez moi le soir, le devoir accompli, ou en passe de l’être. De temps en temps, il y avait bien une crise à résoudre (problème de planning, de résultats, de politique, etc.), mais en général l’écoute, la patience et l’âpreté à chercher une solution en venait à bout.

Mais cela c’était avant l’agilité. Un matin, des « coachs agiles » ont débarqué et m’ont expliqué que ce n’était pas suffisant, qu’on pouvait faire plus :

On m’a envoyé en formation où j’ai expérimenté la nouvelle démarche en jouant aux lego avec des gens que je ne connaissais pas. Ambiance de travail, gamification, bienveillance, empowerment, épanouissement personnel … sont devenus de nouveaux mots d’ordres. Tout manquement à la démarche était pointé du doigt.

Un coach agile est venu m’expliquer que je devais « changer de posture » : là où je m’évertuais à faire le médiateur pour aider (Lassie chienne fidèle !), je devais désormais donner de l’autonomie, changer le référentiel de travail, pour plus d’efficacité, et … accepter moi-même de perdre le contrôle.

Quel drôle d’idée : donner le pouvoir aux autres, leur donner la responsabilité, perdre la mienne, au point d’être challengé moi-même par mes propres équipes … Là résidait le secret de la réussite désormais !

Alors je m’y suis mis : j’ai donné les clés du camion aux collaborateurs, j’ai perdu le pouvoir de décision, mais j’ai mis en place des KPI pour pouvoir quand même suivre ce qui se passait dans les projets. Nous travaillons différemment, nous communiquons plus. Certains n’ont pas réussi franchement à s’y mettre, mais je ne désespère pas. De fait, il y a de l’émulation et des résultats probants.

Finalement, avant je savais à quoi je servais précisément, maintenant c’est un peu plus flou et je ne sais pas si j’aime ça, moi qu’on avait recruté pour ma capacité « à tout piloter ». Rien ne me semble plus jamais achevé. Et à un coach agile à qui j’en faisais part m’a répondu « done is better than perfect ». Il a réponse à tout ! …

Et puis, il y a eu comme un petit miracle, lorsque les collaborateurs ont dû bosser sur les projets, ils se sont finalement tournés vers moi. Loin de jeter le bébé avec l’eau du bain, tous mes outils d’analyse et mon expérience, que j’avais laissés de côté sont redevenus utiles pour aider mes collaborateurs et mes partenaires.

Dès lors j’ai compris, que foncièrement l’agilité offrait l’opportunité d’un regard nouveau. Et que tout nouveau que soit ce regard, j’avais toujours de la valeur ! Mieux, mon expérience, pour peu que je sache attendre le bon moment pour qu’elle soit utile, avait de la valeur pour les autres ! Là où je voyais mon « obsolescence professionnelle » surgir, j’apercevais tout d’un coup un formidable levier pour faire mieux réussir encore mes partenaires.

Lassie chienne fidèle avait retrouvé la maison !

David Couillard

PS : quelqu’un peut-il me dire comment organiser des ateliers d’innovation « on site » avec nos développeurs désormais tous à Bombay ?