Externalisation IT : les écueils au-delà du RFP et du contrat

Externalisation IT : les écueils au-delà du RFP et du contrat

30 mars 2016

– 3 minutes de lecture

Eric Nizard

Le marché de l’externalisation est devenu plus mature et les DSI beaucoup plus expérimentées sur la base des différentes générations de leurs contrats d’externalisation. Les enjeux d’hier : préparer / lancer un appel d’offre et contractualiser les services sont aujourd’hui perçus comme moins sensibles en dépit de nouveaux enjeux tels que le multi-sourcing, les renouvellements de contrats forcément plus fréquents et les nouvelles approches de delivery (Cloud, Devops, Agilité, SDA/RPA,…).

Néanmoins et en dépit de la maturité du marché, les difficultés à capter toute la valeur ajoutée des projets d’externalisation informatique n’ont pas diminué et ce d’autant plus que les durées cumulées des différents contrats s’allongent … Au-delà du RFP et du contrat quels sont donc les écueils que l’on rencontre dans les projets d’externalisation informatique ? Sur la base de mon expérience et des échanges que je peux avoir avec mes clients, j’identifie quatre type d’écueils :

Ecueil n°1 : pas de stratégie de sourcing pertinente

On peut presque tout externaliser mais pas n’importe comment ni avec n’importe qui…

Les motivations à externaliser un périmètre donné devraient théoriquement être toujours déterminées par l’objectif de le faire progresser dans différentes dimensions (coûts, qualité, flexibilité,..). Une fois tranchée la question des grands domaines susceptibles d’être externalisés, se posent des questions de stratégie de sourcing plus opérationnelle et leurs lots d’écueils potentiels :

Ecueil n°2 : un gouvernance contractuelle de la relation

Quand on n’a qu’un marteau comme outil, tous les problèmes ressemblent à des clous…

Ou quand la relation client-fournisseur n’est vue qu’au travers du prisme du contrat signé – on parle alors de gouvernance contractuelle de la relation – tous les aspects de la relation client-fournisseur semblent régis par le contrat avec les écueils suivants :

Ecueil n°3 : des services non centrés sur les utilisateurs

Les services sont produits au moment où ils sont consommés. On ne peut donc jamais s’affranchir de l’utilisateur…

Si les utilisateurs sont souvent les derniers à découvrir ce qui a été prévu pour eux dans un contrat d’externalisation, ils sont généralement les premiers à être impactés quand les services ne leur conviennent pas. Autant l’équation de services centrés sur les utilisateurs est simple à poser « adéquation aux besoins + attitudes + performance + valeur ajoutée », autant la promesse est difficile à tenir dans le cadre des projets d’externalisation. Je ne connais pas de méthodes scientifiques pour réussir ce challenge mais recommande trois principes d’actions de bon sens :

  1. Impliquer les utilisateurs dans la définition du catalogue de services. C’est simple quand la maîtrise d’ouvrage est structurée, c’est difficile et souvent inefficace quand c’est la maîtrise d’oeuvre qui s’en charge et présume des besoins des utilisateurs,
  2. Ne pas trop stéréotyper les prestations et veiller à garder de la flexibilité dans le modèle de delivery,
  3. Enfin, concevoir des services certes industriels mais sans jamais les déshumaniser.

Ecueil n°4 : modèle d’opération inadapté

Ce n’est pas en faisant les choses de la même façon que l’on obtient des résultats différents…

Pour faire progresser les périmètres externalisés dans différentes dimensions (coûts, qualité, flexibilité,..), le fournisseur doit transformer le ou les modèles d’opération existants à l’aide de leviers de transformation dont son client ne dispose à priori pas.

Mais dans certains cas, le modèle d’opération cible n’est pas adapté aux progrès attendus et ce pour trois raisons principales :

  1. Le projet d’externalisation a prévu une phase de transition des services vers l’infogérant mais n’a tout simplement pas prévu de phase de transformation.
  2. Dans d’autres cas, un projet de transformation a bien été prévu dans le projet d’externalisation mais à l’usage, les leviers de transformation se révèlent inapplicables où bien le projet de transformation ne va pas au bout pour d’autres raisons (souvent des raisons de complexité, de coûts du projet ou de maturité de l’équipe en charge de la transformation).
  3. Parfois c’est le client qui ne collabore pas suffisamment au projet de transformation avec son infogérant…. rarement volontairement mais souvent pour des raisons de gouvernance interne.

Dans les trois cas, le résultat est problématique car l’infogérant n’a tout simplement pas les moyens de tenir ses promesses avec un modèle d’opération inadapté / non transformé.

A titre d’illustration, on peut noter le cas de grands groupes qui externalisent – pour les faire converger – leurs différents Service Desk (filiales / pays) vers un infogérant unique. Dans de nombreux cas la « transformation » s’arrête à la transition des différents périmètres vers le fournisseur choisi. Très peu de rationalisations sont finalement menées et la capture des gains liés à la mutualisation de ressources et à l’utilisation de processus et d’outils communs demeure un vœu pieu.

Et pourtant tout s’annonçait si bien…

Syndrome du Titanic ?

Pour finir, les 4 écueils précédemment évoqués partagent avec l’histoire du Titanic et de son iceberg fatal, les 2 caractéristiques suivantes :

  1. Ces écueils sont potentiellement dans le chemin critique du succès du projet d’externalisation avant le démarrage du projet,
  2. Une fois le projet lancé, ces écueils sont difficiles à éviter / contourner.

En guise de conclusion : quelle que soit votre maturité en matière d’externalisation, il est toujours aussi crucial et difficile d’acheter les bonnes promesses et de faire en sorte qu’elles soient tenues dans la durée.