4 décembre 2018
– 6 min de lecture
Ombeline de Lavenère
Senior Manager Organisation Apprenante & Leadership Agile
Comment découper les besoins au sein d’une vaste organisation de 5000 collaborateurs pour mieux échanger et créer de la valeur ?
C’est l’une des questions en filigrane de l’accompagnement que nous menons en tant que coach agiles auprès des équipes produits de vente-privée depuis 1 an. Une question posée dans le sillage d’une transformation qui voit le leader de la vente flash en Europe passer d’une organisation par technologies à une organisation par produits.
Pour comprendre l’importance de ce découpage, prenez le temps d’imaginer un gros burger composé de nombreuses couches d’ingrédients. Vous avez deux manières de vous y attaquer. La première consiste à manger chaque couche, l’une après l’autre. Autant dire que vous ne profiterez pas du vrai goût du burger. Ou bien vous pouvez croquer dans ce burger à pleines dents. Vous aurez alors en une bouchée un peu de de chaque ingrédient, ce qui vous donnera une bien meilleure appréciation de ce qu’est véritablement un burger. Et comment l’améliorer à l’avenir.
Dans une organisation, le découpage des besoins, pour rester aligné sur la création de valeur, obéit à la même logique. Encore faut-il transcrire ce principe dans la pratique. Comment les équipes de vente-privee y sont-elles parvenues ? Avec quels enseignements ? Ce sont les intéressés qui en parlent le mieux.
Chez Vente-privée, à quels signes voyons-nous qu’une équipe livre de la valeur de manière optimale ?
Quand l’équipe recourt à des pratiques qui améliorent sa connaissance produit
Identifier, anticiper et réduire les risques suppose de bien connaître son produit. Ces risques ont des origines multiples : adhérences externes, complexité technique ou fonctionnelle, compétences de l’équipe, interdépendances avec les autres équipes produits et transverses… Voilà pourquoi la collaboration doit être continue.
Connaître son produit
« L’architecture micro-service que nous mettons en place peut rendre une plateforme difficile à appréhender d’un point de vue fonctionnel. Mais avec la mise en place des “3 Amigos” nous avons développé les connaissances fonctionnelles de l’équipe produit. Résultat, nous délimitons mieux les périmètres de nos composants (acquisition d’image, stockage, publication…) ce qui améliore le delivery ainsi que la qualité des nouvelles features. Au final, c’est toute l’architecture qui est mieux exploitée. »
Vincent Oostenbroek de Lange – Lead Developper du Produit Media Prod
Les “3 AMIGOS” ? Concrètement, il s’agit d’un moment d’échange entre le PO/Business analyste, le testeur et le développeur pressenti pour coder. Les participants posent des questions pour clarifier les besoins et identifier les risques. Une bonne manière de couvrir les angles morts de chaque rôle.
Suivant la maturité de l’équipe produit, c’est le moment où les critères d’acceptance sont décrits.
Chez Vente-privée, à quels signes voyons-nous que les équipes développent leur connaissance du produit ?
Quand l’équipe échange en continu
L’équipe discute les besoins avant qu’ils n’arrivent dans le backlog des développeurs. Pour certaines équipes produit de vente-privee, nous avons donc amélioré la phase entre le moment où les clients émettent les besoins et le moment où ils arrivent dans le backlog des développeurs. Chaque équipe produit, suivant ses spécificités, a choisi les pratiques qui conviennent le mieux à leur contexte. Sans surprise, l’atelier des “3 AMIGOS”*, gage de succès, s’est aussi imposé ici.
Échanger pour définir les critères d’acceptance
« En décrivant pour chaque user story les critères d’acceptance, nous réussissons à remplacer les exigences avec un langage clarifié en termes fonctionnels et techniques. Ainsi tous les cas de tests sont anticipés en amont, orientent les choix techniques et préviennent les risques de bugs en production. Cette façon de travailler réduit d’autant le temps de qualification puisque les cas complexes ou tordus sont largement anticipés durant la phase de conception. Ce travail collectif et collaboratif entre les QA, dev et PO offre à l’équipe produit Orderpipe un gain de temps dans la livraison en production des MVP. La prochaine étape pour nous est de rédiger les tests de manière automatisée.«
Hicham Sassi – QA du Produit Orderpipe
Chez Vente-privée, à quels signes voyons-nous que le découpage des besoins est entré dans les habitudes de travail ?
Quand l’équipe sait découper les besoins fonctionnels par la valeur
L’équipe s’assure de livrer de la valeur à chaque itération. Cela commence par la priorisation du backlog par la valeur jusqu’au découpage vertical en mode MVP (Minimum Viable Product).
Prioriser par la valeur
« Il y a un adage qui dit « les intérêts des uns ne sont pas forcément ceux des autres« . Et cela s’applique très bien quand il s’agit d’un produit transverse à l’ensemble des autres produits. C’est le cas du produit Personnalisation : il offre un service qui diminue l’effort de recherche des ventes disponibles pour les membres et permet aux équipes produits vente-privee de booster leur KPI (de générer plus de valeur sur leur propre produit).
Toutefois cette synergie accroit aussi la complexité. En effet, une fonctionnalité peut détruire de la valeur business pour un produit tout en générant sur un autre (i.e le voyage peut perdre au détriment du loisir). En conséquence, il est indispensable de bien découper les besoins fonctionnels afin de tracer à la fois le flux de valeur et la complexité technique. Cela permet à l’équipe produit Personnalisation de bien définir les MVP et maximiser la valeur délivrée pour l’ensemble des produits. »
Ivan VUKIC – Product Owner du Produit Personnalisation
L’équipe sait aussi s’arrêter quand elle ne produit plus de valeur.
Expérimenter par la valeur
« Dans le cadre de nos campagnes d’acquisition, nous nous étions donnés pour objectif de booster les téléchargements de l’application vente-privee sur les stores (iOS/Android). Nous sommes partis de l’hypothèse qu’une meilleure note sur ces stores améliorait le taux de téléchargement de l’app (nombre de téléchargements rapporté au nombre d’utilisateurs qui voient la description de l’app).
Pour éprouver cette hypothèse, nous avons sorti un 1er MVP de notre feature : le fait de pousser une interface de notation à certaines populations juste après un achat, ainsi le « user » est dans une dynamique positive avec le service vente-privee. Une fois ce module en production, et après analyse, nous nous sommes rendus compte que :
– nous améliorons la note de l’app (de 2.5 à 4.5 sur iOS par ex.)
– nous n’améliorons pas le taux de téléchargement de l’app
Nous avons mis de côté les évolutions possibles de ce module (optimisation de l’affichage, exécution d’autres scénarios…) puisque que nous n’incrémentions pas le nombre de nouveaux porteurs de l’app par rapport à la valeur attendue. »
Matthieu WILLAIME – Anciennement Product Owner du Produit User-Engagement, dorénavant PO Navigation
A quels signes voyons-nous que le découpage est efficace ?
Quand l’équipe sait découper les besoins fonctionnels en réduisant la complexité
Objectif : limiter les inconnues afin que les développeurs, les testeurs, les UX-UI, les data analystes et les business analystes soient confiants en leur capacité de présenter ce qu’ils ont prévu de livrer lors du sprint planning.
Une fois bien compris, un besoin fonctionnel ou “Business feature” est découpé en 1, 2 ou 10 users stories ou enablers (tâches techniques, UX…). Ce qui nous donne un bon hamburger :
Découper les besoins fonctionnels
« Depuis la mise en place de l’agilité dans notre équipe, nous rencontrions des problématiques concernant la taille des stories. Certaines s’apparentaient davantage à des business features et nécessitaient plusieurs sprints pour être réalisées. Avec le découpage en hamburger, nous nous posons les bonnes questions afin de découper au mieux les besoins. Le retour est très positif, nous parvenons mieux à nous projeter dans le temps, avec une réelle vision du travail à fournir et sur la façon de l’adresser. »
Grégory Beer – Scrum master du Produit Media Prod
Une façon de s’assurer du bon niveau de découpage du besoin fonctionnel consiste à estimer la complexité. L’équipe se pose des questions jusqu’à l’atteinte d’une complexité assez basse des users stories et enablers (exemple : en dessous de 5 sur l’échelle de Fibonacci) afin d’identifier les risques et les inconnues. C’est un des temps d’apprentissage sur l’équipe et le produit.
S’affranchir de l’estimation grâce à la maturité de l’équipe
« Pour l’équipe Navigation, l’estimation a été un passage obligatoire et bénéfique dans notre maîtrise de l’agilité. Parfois, au début, la facilité nous poussait à mettre une estimation élevée sans remettre en question le découpage de la tâche. Après quelques mois où nous nous sommes imposés de découper les tâches pour être en dessous d’un niveau de complexité de 8, nous nous sommes rendus compte que notre découpage devenait optimal.
Nous avons choisi de nous passer des estimations en utilisant le nombre de tâches plutôt que le nombre de points de complexité comme mesure d’avancée de sprint. »
Paul-Emmanuel Garcia – Scrum master / développeur iOS Produit Navigation
Takeaways
- Peu importe les rituels et les pratiques adoptés tant qu’ils contribuent à faciliter les échanges pour mieux découper les besoins.
- Ces pratiques ne sont pas une fin en soi : elles contribuent seulement à acquérir des comportements agiles, aident les équipes à gagner en confiance, à travailler ensemble pour trouver des solutions – et non pour résoudre des problèmes.
- L’histoire ne s’arrête pas une fois que l’équipe sait collaborer pour créer de la valeur : il faut encore apprendre à réfléchir et à s’améliorer pour de boucler les 4 étapes du cycle du cœur de l’agilité (collaborer – délivrer – réfléchir – améliorer).
avec la participation de Sylvie Moumen
Coachs agiles chez vente-privee,
Coachs professionnelles systémiques & Coachs Process Com certifiées
Références :