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Dessine-moi un architecte – l’inévitable crise

Dessine-moi un architecte - l'inévitable crise

7 février 2020

– 7 min de lecture

Olivier Constant

Senior Manager Architecture

Si vous ne l’avez pas encore fait, découvrez le premier chapitre de la série « Dessine-moi un Architecte » : l’Architecte est un parent comme les autres.

Préambule

Un fait est certain : les conflits font partie de la vie aussi bien parentale que celle de l’entreprise. Les relations évoluent et passent par différentes étapes. On a beau tout faire pour l’éviter, une crise survient inévitablement. Y a-t-il des signes annonciateurs ? Comment réagir quand certains projets ne veulent pas suivre les recommandations ? Comment faire si l’architecte fait preuve d’autoritarisme ? Comment gérer l’équilibre entre faire ses propres expériences et ne pas se mettre (trop) en danger ? Nous retrouvons à nouveau notre parallèle avec l’éducation parentale qui nous préoccupe tant.

De solution miracle, il n’est pas question ! Nous allons en revanche aborder différentes phases familières et voir ce qu’en dit la littérature et les spécialistes.

Mais qui est ce « Nous » ?

Notes

En temps de crise,  le sage construit des ponts, le fou construit des murs.

Introduction

Chaque crise a une raison spécifique et demande une solution adaptée. Ce que nous allons voir de nouveau dans ce chapitre, ce sont les crises qui débordent, les grandes crises, celles qui demandent un repositionnement du rôle du parent / de l’architecte.

En nous promenant le long de la vie d’une personne de 0 à 100 ans, nous trouverons des parallèles à notre vie en entreprise. Est-ce que ces réflexions vont nous conforter sur l’idée qu’un cadre est indispensable comme nous le préconisons dans le premier chapitre (L’Architecte est un parent comme les autres) ? Est-ce que la vie d’un architecte est toujours aussi simple (noter l’ironie) que celle d’un parent ?

Le rejet de l’autorité à 2 ans

Chloé : Je n’en peux plus ! J’écume toute la littérature sur la gestion de crise en ce moment. A 2 ans, c’est la mini adolescence ou « terrible two » comme on dit chez les spécialistes de la petite enfance. Je te partage ce que j’ai appris ?

Que se passe-t-il dans la vie d’un enfant pour que soudainement, vers 2 ans, l’enfant docile se rebelle ainsi ? Cette bascule surprend d’autant plus le parent que tout est paisible avant. Le premier refus interpelle donc. La raison est assez simple : l’enfant a besoin de s’affirmer. Il veut pouvoir décider. Voilà une des sources de crise : avoir besoin de plus de latitude. Il paraîtrait que c’est normal et même sain. Tu vois où je veux en venir ?

Olivier : Effectivement, je me rends compte d’avoir déjà vécu cette situation en entreprise. Il arrive qu’une personne ou une équipe réclame plus de liberté et rejette les préconisations d’architecture (et non l’architecte !). Alors que fais-tu pour y remédier ?

L’enfant comprend par la répétition les temps forts d’une journée et le rôle des personnes qui l’entourent. Le cadre, à ce moment-là, est strict et les choix sont faits à sa place. Afin de montrer à l’enfant que nous lui faisons plus confiance, car plus mature, la solution est de lui proposer plusieurs choix afin qu’il puisse exprimer sa volonté propre. Et ça fonctionne ! 

« Veux-tu mettre ce vêtement-ci ou plutôt celui-là, sachant qu’il fait très froid aujourd’hui ? » « Veux-tu créer une API pour ton application ou préfères-tu déverser tes données dans le Datalake, avec tes connaissances maintenant bien ancrées ? ». Le cadre est toujours là (cf Chapitre 1), en revanche les choix possibles pour rester dans ce cadre augmentent. On conseille aussi de faire des câlins, c’est là que le rapprochement avec les collègues s’arrêtent ?

Olivier : Bravo avec ton enfant ! Il est vrai que l’architecte peut adapter son discours face aux équipes et selon la maturité, proposer plus d’options. Au risque de te déprimer, des crises, il va y en avoir beaucoup d’autres, ne serait-ce que l’adolescence. Au secours !

La maladie de l’adolescence est de ne pas savoir ce que l’on veut et de le vouloir cependant à tout prix.

Philippe Sollers

La crise de l’adolescence n’est pas une crise

Chloé : Cette période m’intéresse beaucoup. Mon entreprise en ce moment vit la plus grande transformation possible dans la vie d’une entreprise. Nous redéfinissons les rôles de chacun, la gouvernance, les méthodes et la façon de travailler, nos objectifs, nos relations à nos clients, TOUT, te dis-je !

L’adolescence, c’est exactement cela : une transformation totale. Chacun doit retrouver sa place dans le foyer et se créer de nouveaux repères. La difficulté est d’autant plus grande qu’elle est humaine : remise en cause, doute, perte de confiance envers soi et envers les dirigeants. 

Le parent qui savait presque tout ne sait presque plus rien : « c’est toi qui sais ce que tu voudrais faire plus tard, toi qui sais qui tu aimes ou n’aimes pas, … ». C’est effrayant. Je vois les mêmes questionnements actuellement autour de moi. Les managers ne sont plus managers, ils deviennent des (servant) leaders. Les équipes sont responsabilisées : « c’est vous les experts qui prenez vos décisions en autonomie ». Encore plus effrayant. 

Alors quelle est la place du parent ou de l’architecte dans cet ouragan ? Comment accompagner ces transformations ? Le risque est grand. Si nous supprimons le cadre (plus aucune règle, plus aucun interdit), nous exposons la famille / l’entreprise à de très grands risques. Si nous restons ancrés sur le cadre historique, alors nous n’avons pas su évoluer avec lui. Comment apporter alors des réponses attendues que nous n’avons pas ?

Un des maîtres-mots de notre transformation est « ensemble ». Si je n’ai pas la réponse et que toi non plus, peut-être qu’à plusieurs, nous allons la trouver. Travailler ensemble veut également dire partager la responsabilité. Nous abattons le mode « Silo » pour un mode plus coopératif.

Est-ce que nous sommes prêts à prendre des risques ensemble et si nous échouons, à trouver de nouveau ensemble des solutions ? Est-ce que nous, architectes, sommes prêts à admettre que le cadre se construit avec ceux que nous accompagnons ? Est-ce que les équipes sont prêtes à entendre que nous n’avons pas toutes les réponses et qu’ils devront également porter une partie des responsabilités en appliquant de nouvelles règles ?


Olivier : Effectivement, la gestion humaine au sein des entreprises est arrivée à la maturité de l’adolescence. Temps délicat pour les leaders et les RH. Personnellement, j’ajouterai : attention aux adolescents silencieux ! Il faut écouter tout le monde, au risque de passer à côté d’une difficulté cachée.

Je pensais que le pire dans la vie c’était de finir seul. Non. Le pire dans la vie est de finir avec quelqu’un qui nous donne l’impression d’être seul.

La crise de la quarantaine

Olivier : Si tu veux bien, on va finir sur la crise dite « de la quarantaine », autrement dit « j’ai envie de changement ». Cette angoisse soudaine qui se profile parce que tout à coup, on se voit vieillir en faisant tout de la même façon, avec les mêmes personnes. 

Sur de nombreux sujets, lorsque tout va bien, nous sommes en mode « run ». Nous faisons le strict minimum pour que cela fonctionne au quotidien. Nous prenons le café au même bistrot, achetons la même marque de dentifrice, nous avons des automatismes tels que verrouiller la porte, « d’ailleurs, l’ai-je vraiment fermée ? Je vais revérifier, on ne sait jamais ». 

En informatique, la relation MOA/MOE a fait ses preuves durant de nombreuses années : la MOA écoute le client et traduit en termes informatiques / la MOE réalise les demandes. Pourtant, nous nous apercevons que ce duo arrive au terme de son efficacité. Avec la rapidité grandissante des évolutions IT, le couple MOA/MOE nuit à l’innovation de l’IT, car il faut autant entendre la stratégie IT que celle du métier.

La MOE nous fait donc une crise de la quarantaine : je m’ennuie, je veux évoluer, être valorisé. Les spécialistes situent cette crise dans la quarantaine car c’est souvent à cette période que les enfants quittent le foyer (mettons de côté les rides et les cheveux blancs). Une personne qui a fait passer le travail, le couple, les enfants avant soi tel un robot se retrouve « seul » face à une nouvelle situation qui l’angoisse et qui lui permet en même temps de, enfin, se recentrer sur lui.

Les psychologues préconisent de profiter de cette remise en question pour faire un bilan. Qu’est-ce que je sais faire ? Qu’est-ce que je veux faire ? Comment et dans quel objectif ? C’est exactement la place de l’architecte d’entreprise dans l’actualité. Son rôle est d’épauler l’entreprise dans l’évaluation de son SI : par rapport aux nouveaux objectifs que se fixent le métier et l’IT, quels sont les périmètres obsolètes ?

Comment faire évoluer les applications afin d’apporter de nouvelles valeurs ? L’architecte doit être capable de comprendre la profondeur des changements et donc de reposer les bonnes bases pour le futur.

Conclusion

Olivier : si je résume, être architecte demande autant de souplesse qu’un parent. Il se tient à l’écoute de l’entreprise et selon sa maturité et ses besoins, adapte son accompagnement et son cadre. C’est exactement ce que défend TOGAF, et l’amélioration continue. Je pense que nous sommes plutôt raccord avec l’actualité. Rémi Cocula parle de l’évolution « d’Architecte à Métarchitecte » dans une conférence Devoxx. Pour aller plus loin, voir la littérature sur l’Emergent Architecture qui pose la place de l’architecte dans une organisation agile.



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