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DSI : Comment traduire les exigences du run en capacités opérationnelles ?

DSI : Comment traduire les exigences du run en capacités opérationnelles ?

11 février 2021

– 8 min de lecture

Eric Nizard

Dans un monde où les ruptures stratégiques, technologiques ou sanitaires s’accélèrent, les stratégies sont mises à rude épreuve. Ces stratégies intègrent de plus en plus de composantes digitales dans une logique où les business models ne sont plus « simplement » supportés par l’IT mais où c’est l’IT qui réinvente les business models. Aujourd’hui l’IT devient le business.

Imaginer et concevoir des innovations de valeur à fort contenu digital ne suffit plus car il est nécessaire d’organiser une mise en œuvre de l’IT à même de répondre avec flexibilité et rapidité aux enjeux tout en assurant sécurité et résilience des opérations IT. Dans ce contexte, il devient plus délicat de traduire ces nouvelles exigences du Run en capacités opérationnelles. Et sauf à vouloir se prendre les pieds dans le tapis , je ne recommande absolument pas de se « jeter » sur la construction d’organisations cibles avant d’avoir compris pour qui et comment ces organisations doivent créer et délivrer de la valeur.

Tout le monde a une stratégie avant de se prendre un direct en pleine face.

Mike Tyson

Sur la base de mon expérience de conseil, j’ai ainsi souhaité partager dans ce billet une solution relativement élégante pour adresser cet enjeu. Il s’agit d’adapter le modèle opérationnel du Run en créant un modèle opérationnel cible (TOM) qui intègre les différents changements nécessaires au modèle existant afin de traduire les nouvelles exigences du Run en capacités opérationnelles. Ce billet aborde ainsi 3 points :

  1. Qu’est ce qu’un modèle opérationnel et quels étaient jusqu’à présent les principaux modèles opérationnels pour les activités de Run ?
  2. Quelles sont les principales tendances qui poussent à adapter le modèle opérationnel du Run ?
  3. Quand et comment procéder pour adapter le modèle opérationnel du Run ? Quelles sont les nouvelles tendances en matière de modèles opérationnels du Run ?

1. Le modèle opérationnel du RUN

Un modèle opérationnel fait le pont entre stratégie et exécution et décrit comment l’organisation va créer et délivrer la valeur. On peut définir un modèle opérationnel à l’échelle d’une entreprise toute entière, d’une business unit ou même d’une fonction (ex. la DSI) ou encore une sous-fonction (ex. le Run de la DSI).
Comme il n’y a pas de définition vraiment standard, je vous propose 3 illustrations que j’ai adopté et qui permettent chacune d’aborder le modèle opérationnel sous un angle différent.

Illustration n°1 : si vous êtes familier avec le business model canvas de Alex Osterwalder et Yves Pigneur, on peut déjà considérer que le modèle opérationnel se positionne comme le back-end du business model en intégrant les activités clés, les ressources clés ainsi que les partenaires/partenariats clés.

business model canvas

Illustration n°2 : d’autres à l’instar de Andrew Campbell de l’université d’Ashbridge tentent de populariser l’operating model canvas en agençant avec plus de détails le back-end de l’illustration n°1

Ce qui est intéressant dans ce modèle, outre la mention des Locations (lieux géographiques d’exécution) et de Information (structures et flux d’information), c’est l’apparition des Value Delivery Chains censées traduire la logique des chaînes de valeur nécessaires au delivery des propositions de valeur. De mon point de vue, cette notion est fondamentale à tout modèle opérationnel.

Illustration n°3 : enfin, j’ai aussi dans mon attirail une autre façon de représenter les modèles opérationnels que j’ai peaufiné au fil du temps et à laquelle je tiens beaucoup.

Ce qui est intéressant dans ce modèle est la prise en compte de l’axe culture (organisation informelle et l’humain) qui rappelle que les opérations s’exécutent souvent sur la base d’habitudes de collaboration, de valeurs et de soft-skills spécifiques et ce indépendamment des structures organisationnelles et des processus. L’autre point fondamental est l’introduction de la gouvernance qui représente le système nerveux du modèle opérationnel et sa clé de voûte.

C’est donc en s’appuyant sur un certain nombre de modélisations que l’on se forge à la fois des convictions et des outils pour adapter les modèles opérationnels et plus spécifiquement dans ma pratique : les modèles opérationnels du Run.

Afin d’être plus spécifique et encore à titre d’illustration, je schématise ci-dessous les 2 modèles opérationnels du Run beaucoup rencontrés ces dernières années.

Le modèle des silos technologiques

L’organisation par silos technologiques n’a plus vraiment cours aujourd’hui car elle présente un certain nombre de challenges et inconvénients commentés dans l’illustration ci-dessus.

Le modèle PLAN-BUILD-RUN avec un RUN orienté par activité

Ce modèle opérationnel de Run intégré dans le modèle Plan-Build-Run de la DSI fait la part belle aux activités. Il organise en effet les opérations IT en usines qui regroupent les activités par niveaux d’interventions (N0 – Hébergement, N1 – Exploitation, N2 – Administration, N3 – Expertise) quelles que soient les technologies et métiers concernés. A l’instar des modèles déployés par les grands prestataires, ce modèle vise le plus souvent à industrialiser les opérations en déployant des processus standards ITIL. L’inconvénient majeur de ce modèle est de reléguer le Run en bout de chaîne, sclérosant ainsi toute la chaîne de delivery et ne favorisant ainsi pas l’agilité.

Certaines déclinaisons récentes de ce modèle tentent de fluidifier davantage la chaîne de Build pour conduire à des modèles un peu différents qui distinguent la gestion des socles techniques de celle des services.

Sur ces bases, on a pu voir se dessiner des modèles d’organisations détaillées ressemblants au schéma ci-dessous.

Alors disons le tout de suite, aucun de ces modèles n’est la panacée mais tous ont un intérêt pour exécuter les activités de Run. Il est donc important de capitaliser sur l’expérience des différents modèles et comprendre valeur et utilisation des briques de bases. C’est ainsi que l’on disposera de bonnes bases pour entamer une phase de réflexion et de conception quand il s’agira d’adapter le modèle opérationnel du Run aux nouveaux enjeux. Et justement comme nous allons le voir dans la prochaine section les raisons de changer sont multiples et souvent impérieuses.

2) Tendances d’évolution et d’adaptation des modèles opérationnels du RUN

Comme je le mentionnais en introduction, l’IT est aujourd’hui au coeur du business et les DSI doivent faire face (quand ce ne sont pas les Chief Digital Officer) à de nombreux impératifs pour rendre possible / faciliter la transformation du business et des métiers.

tendances technologiques

Au-delà de ces impératifs, s’ajoutent plus classiquement les demandes de réduction de coûts et des risques ainsi que le besoin de transparence accrue. Evidemment, et pour finir, on peut trouver les nombreuses tendances technologiques actuelles et à vernir et qui sont autant d’opportunités/leviers de transformation.

Ces impératifs pressurisent les modèles opérationnels en place et les tendances technologiques mettent le plus souvent en évidence l’impréparation et l’inadéquation des capacités d’IT Management. C’est donc sur ces bases que les organisations de type DSI doivent se réinventer en adoptant des modèles opérationnels plus adaptés.

3) Quand et comment adapter le modèle opérationnel du run ? quelles pistes d’évolution ?

Avant de s’engager dans un projet d’adaptation du modèle opérationnel du Run, il est nécessaire de bien cadrer les raisons qui poussent à changer et définir un tant soit peu les modalités du projet d’adaptation de TOM. Généralement cela passe par un cadrage stratégique permettant d’établir les éléments structurants du projet d’adaptation du modèle opérationnel :

L’élément le plus important et difficile étant l’évaluation des bénéfices attendus et des impacts à anticiper. Sans révéler de secrets, c’est le plus souvent un timing particulier sous tendu par des forts enjeux / opportunités qui incite à se lancer dans l’adaptation d’un modèle opérationnel et ce principalement dans 4 situations types :

  1. Vous démarrez quelque chose de totalement nouveau
  2. Vous changez de stratégie
  3. Vous avez des problèmes de performance
  4. Vous mettez en oeuvre un changement majeur

Dans le contexte d’une DSI et des implications sur le Run, il peut s’agir de plusieurs structures qui fusionnent / se rapprochent avec chacune une organisation de Run; d’un programme structurant de modernisation IT, d’une globalisation des opérations IT pour delivrer des services IT à l’ensemble des pays d’une entreprise, ou encore d’une transformation agile de l’entreprise et/ou de la DSI.

Ensuite vient le travail à proprement parler sur la définition du TOM. La description détaillée d’une méthodologie ne rentre pas dans le cadre de ce billet mais néanmoins je recommande de toujours démarrer par la définition de la Value Chain Map ou chaîne de valeur permettant de délivrer la proposition de valeur attendue / en ligne avec la stratégie à exécuter. A titre d’illustration, ci-dessous la chaîne de valeur que l’on pourrait trouver dans une DSI classique

Cette étape, n’est pas facile car si – par exemple – on souhaitait redéfinir cette chaîne de valeur, il pourrait être difficile de choisir la meilleure manière de la segmenter l’offre de service et de définir l’enchaînement des différents macro-processus créateur de valeur. En général, il faudra choisir de segmenter les chaînes de valeur par type de clients internes/externes ou par besoin clients ou par pays ou par produits/services ou bien encore par technologies (l’exemple du modèle opérationnel par silos technologiques).

Dans tous les cas, il ne faut absolument pas jouer aux apprentis sorciers et improviser : une bonne dose d’analyse et de pragmatisme est nécessaire mais on peut aussi s’inspirer de tendances très actuelles (quoique peu documentées) dans la définition de modèles opérationnels adaptés aux enjeux décrits dans la section n°2.

Une piste qui me paraît intéressante étant de s’inspirer du standard IT4IT de l’Open Group qui propose un début de modèle opérationnel organisé autour d’une chaîne de valeur et de Value Streams spécifiques à L’IT à l’instar de certains domaines métiers qui ont développé des Value Streams maintenant connues comme : make-to-order, order-to-cash,…)

Ainsi le point de départ IT4IT se compose des Value Streams suivantes qui sont orientées besoins client et remplacent avantageusement la classique segmentation Plan, Build, Deliver, Run et sont de nature à casser un fonctionnement en silos peu propice à l’agilité. Ce découpage est d’ailleurs la clé pour évoluer vers un modèle où le Build est beaucoup moins prépondérant et est remplacé par une logique de Broker/Intégrateur/Orchestrateur.

Ce rôle de Broker/Integrateur/Orchestrateur sera principalement mis en oeuvre au travers des capabilities de la value stream « Request to Fulfill » qui seront en charge de cataloguer, mettre en oeuvre et suivre l’usage des différents services standards.

Les impacts de cette nouvelle « value chain » sur le Run sont structurants. Le Run ne sera plus isolé en bout de chaîne et participera aux autres value streams dans une logique de collaboration avec les autres parties prenantes. C’est cette logique d’agilité qui s’affranchit des frontières organisationnelles qui sera propice à la construction de modèles opérationnels Digital Ready intégrant nativement des mécanismes opérationnels comme DevOps et FinOps par exemple.

Une fois la colonne vertébrale de la value chain définie, on peut s’attaquer – sans dogmatisme – aux autres éléments (partenaires, géographies, modèle d’organisation ou capabilities map, culture,..) en fonction de leur importance dans la stratégie et des enjeux de valeur à délivrer.

En guise de conclusion

Voilà pour ce petit tour d’horizon de l’adaptation des modèles opérationnels DSI pour traduire les nouvelles exigences du Run en capacités opérationnelles. Pour conclure, il faut retenir que le modèle opérationnel n’est que le Blueprint de l’organisation cible et que cette logique s’inscrit dans une démarche plus globale de transformation

elements declencheurs du changement

En attendant, de démarrer vos projets d’adaptation, vous pouvez toujours évaluer si votre modèle opérationnel (qu’il soit formellement défini ou pas) permet de délivrer la bonne valeur aux bons clients (internes ou externes).